Jeunes actifs dotés d’un fort pouvoir d’achat, ils constituent un marché porteur. Ce sont de jeunes adultes nostalgiques de l’enfance. groupe de consommateurs atypiques et une cible difficile à cerner.
Qui sont –ils ?
L’adulescent est une attitude, celle de jeunes adultes qui ne veulent pas grandir, syndrome « Peter Pan » qui fait d’autant plus réfléchir que c’est un marché porteur. Beaucoup d’objets que l’on croyait oubliés refont surface, quelquefois après un savant lifting.
Pour Tony Anatrella, qui a inventé le terme adulescent dans les années 1970, ce sont des enfants privés d’adolescence par leurs parents.
Pour Dan Killey, c’est la peur de devenir adulte qui touche surtout les hommes de 12 à 50 ans présentant un décalage important entre leur âge et leur maturité et qui n’acceptent pas leurs responsabilités d’adultes.
Pour Marie Giral, c’est l’héritage du jeunisme et le sentiment d’insatisfaction, d’insécurité dans un monde en changement perpétuel.
Pour Robert Ebguy, la régression infantile s’explique par la volonté de se déconnecter d’une réalité frustrante. Phénomène social devenu réalité économique :
• Le détournement régressif attire les entreprises si bien que la nostalgie régressive est récupérée par les marketeurs et les marques. En effet, le fort pouvoir d’achat de ces jeunes adultes et leur position de « trend –setters » (prescripteurs de tendance) en font des consommateurs très intéressants.
• En terme de profil, le kidult est un cadre, citadin, célibataire, âgé de 20 à 35 ans, autant féminin que masculin, urbain et aisé, vivant encore souvent chez ses parents, étudiant ou jeune cadre au pouvoir d’achat élevé avec une forte mobilité et recherchant une perspective internationale.
En Europe, le fait que des adultes dépensent tant d’argent et d’énergie dans la poursuite des souvenirs de leur jeunesse montre combien l’âge adulte a perdu son attrait. L’image de l’adulte est morose, la nostalgie s’explique par la peur de l’avenir dans une Europe qui déprime. Quelles sont les références de cette cible ?
• Les besoins fondamentaux : se rassurer, rester lié aux autres, se distinguer, se divertir.
• Leurs aspirations : la nostalgie de l’enfance pour retrouver les sensations éprouvées lorsqu’ils étaient petits, le besoin d’appartenance à une tribu pour partager des sensations communes, l’affirmation de leur personnalité et la nécessité de redevenir acteurs de leur consommation, le besoin de s’amuser pour rester jeune et vivre de nouvelles aventures.
• Leurs valeurs : la liberté, l’autonomie, le refus des normes, l’humour, le kitsch, la transgression, l’impertinence, la recherche de l’authenticité, le plaisir, l’esthétique, la tolérance et le respect des choix d’autrui.
• Leurs attitudes majeures : l’ouverture d’esprit, le mélange des références culturelles, le triomphe de l’individu sur le groupe, la recherche du bien-être.
• Les adulescents sont des consommateurs de produits déjà rencontrés par le passé, aimant les marques, accrocs au détournement et au bricolage, zappeurs qui se réservent le droit de changer, sensibles à l’esthétique, au design… Paradoxalement, ils aiment la nouveauté et peuvent être des « trend-setters ». Ils se déclarent à la fois contre le capitalisme et très attachés aux marques qui en sont le fruit. Le marketing kidult est issu d’un marketing hypersegmenté et diversifié qui succède au marketing indifférencié de masse. Dans cette optique, approcher les kidults nécessitent une forme hybride de marketing tribal, expérientiel, de l’authentique et de la nostalgie :
Comment se positionner vis-à-vis de cette cible ? Choisir une méthode de segmentation comportementale qui permet de différencier 4 « types » :
-les créatifs régressifs (CE) qui sont les trend-setters,
-les gamers grégaires (GG) qui sont les early adopters,
-les nostalgiques épisodiques(NE) qui sont les followers,
-les doudou addicts (DA).
Quelle offre-produit pertinente ?
Il s’agit de développer un attachement collectif à un produit à forte valeur nostalgique. La mode et les vêtements sont des domaines privilégiés pour cette cible très consumériste qui aime les marques et qui veut se distinguer. Les kidults aiment les styles (ex. : manga, kawa, girlie, kitsch et rétro, flower power, baba cool, old school, graffiti) et les marques hier démodées (ex. : Petit bateau, Kickers, Clark, Levi’s, Lulu Castagnette). Ils apprécient aussi les marques de luxe qui ciblent les Créatifs Régressifs en adoptant des codes adulescents (ex. : Louis Vuitton, JC de Castelbajac).
Dans le domaine du sport et de l’imaginaire tribal, où le streetwear et le surfwearsont les courants les plus visibles, l’auteur analyse Converse, Adidas, Quicksilver…
Dans le secteur des cosmétiques et parfums, le marketing kidult s’appuie sur le marketing expérientiel : les entreprises suscitent l’émotion en parlant aux sens. Elles valorisent les saveurs de l’enfance dans des packaging ludiques. L’exemple des dentifrices expérientiels est également développé.
Les jeux électroniques et le divertissement numérique sont analysés : marché des jeux vidéo (ex. : lancement de la Playstation), téléphone portable, ipod…
Dans la panoplie des objets régressifs, les peluches, nounours et figurines pour adultes occupent une place importante : c’est un marché visant les Gamers Grégaires et les Nostalgiques Episodiques. Ces jouets permettent de se distinguer, de se rassurer et l’intelligence artificielle comble le manque d’affection…
Les meubles et le design sont aussi « tombés dans la potion magique de l’enfance » (ex. : e tabouret Tam Tam, la maison Kaléidoscope, les aspirateurs Dyson).
L’édition, la musique, la télévision, le cinéma, la presse et l’internet s’adressent aux adulescents ainsi que sur les facteurs explicatifs du succès de certaines offres : Harry Potter, Shrek, Némo, l’Auberge espagnole, Les choristes, Amélie Poulain, séries Friends, Sex and the City…
L’automobile n’a pas non plus échappé à la vague de nostalgie régressive comme en témoignent les cas de l’Enjoy de Pininfarina, la Smart, la New Beetle, la Mini Cooper ou la Modus.
Dans l’alimentation, les produits de l’enfance des 20-35 ans reviennent en force : les bonbons Haribo (marque à la fois authentique, branchée et innovante), les sucettes Chupa Chups avec ses nombreux produits dérivés, les pastilles PEZ en distributeur de poche, Ferrero avec Nutella ou Kinder, Yop, Perrier et ses produits fluos.
Enfin, dans les services on peut évoquer Suithotel d’Accor, les soirées spéciales…
• La stratégie de prix
Les biens et services qui plaisent aux kidults ont une valeur d’usage liée à leur fonction mais également une valeur émotionnelle ajoutée. Le produit est un mythe dont le prix peut être supérieur à celui des produits équivalents mais qui ne ciblent pas les kidults. Les Créatifs Régressifs ont une prédilection pour les séries limitées et les partenariats prestigieux : ils sont donc prédisposés à dépenser. Les Gamers Grégaires sont prêts à dépenser pour leurs passions, les jeux vidéo et les figurines de BD. Les Nostalgiques Episodiques peuvent acheter les mêmes produits que les deux premières catégories mais quand le produit est bien diffusé donc que le prix a baissé. Les Doudou Addicts ont tendance à dépenser pour les souvenirs d’enfance.
Vendre aux adulescents permet d’adopter une stratégie de prix élevé, à condition que le produit soit original, ait une valeur de lien et un caractère ludique.
Des experts donnent leur avis sur les tendances à venir et les éléments spécifiques de l’offre destinée aux kidults : acheter des produits qui rappellent l’enfance, rechercher le plaisir, valeur centrale, le design, l’esthétique, utiliser un personnage déclinable en produits dérivés et développer le multi-usages. Quelle offre ?
Do’s |
Dont’s |
• Produit authentique, modulable, non banal |
• Choisir des produits déconnectés des aspirations des |
Comment communiquer avec les kidults ?
Les kidults savent décrypter les messages marketing. Ils ne sont pas dupes des intentions commerciales des entreprises et sont conscients d’être une cible parmi d’autres. Ils aiment les marques mais refusent d’être manipulés. Ils veulent être divertis mais aussi parfaitement informés : moins réceptifs aux mass-médias, ils préfèrent l’internet, le buzz, le bouche à oreille, le parrainage d’événements ou de sportifs…
• La communication
Dans le domaine des messages publicitaires, la disruption est une rupture avec les conventions habituelles de communication liées à un produit. Le mode opératoire de la disruption, née dans les années 90, est basé sur la provocation pour surprendre et attirer l’attention. Il s’agit de se démarquer des autres messages publicitaires pour éviter le mouvement anti-pub et récupérer sa rébellion de façon humoristique.
L’auteur prend ensuite deux exemples de campagne de communication illustrant la disruption : Playstation et Apple.
D’autres campagnes s’appuient sur la connivence et l’humour comme Eastpack ou Kanabeach. Ferrero privilégie davantage le kitsch pour petits et grands.
D’autres mettent en avant les attitudes et valeurs positives de l’enfance, jouent sur l’optimisme, la gaieté, la liberté, la convivialité et l’esprit joueur : par exemple Modus, Mikado et le jeu, Lavazza et le cirque, Diesel et l’utilisation de l’optimisme rétro, Lulu Castagnette avec d’abord une campagne trop transgressive puis un retour à des campagnes plus régressives.
Certaines marques communiquent sur leur histoire de façon ludique et tribale : Nike et ses trente ans d’histoire, Converse et l’âme du basket.
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La promotion ne cherche pas à vendre à tout prix mais veut installer une relation gagnant-gagnant en s’appuyant sur de nouveaux supports de communication comme le téléphone portable ou internet, en développant des opérations virales, en s’associant à des stars. Ainsi, le buzz et l’internet permettent d’informer et de divertir sans donner l’impression de « pousser » agressivement à la consommation. Ils soutiennent le lancement d’un produit en favorisant l’expression des consommateurs. Un exemple original de promotion multisite visant les kidults, l’opération OVNJ (On a Volé des Nains de Jardin), est également analysée.
Le recours au sponsoring, sportif et musical permet de légitimer la présence de la marque : Haribo, Palystation, Nike, A didas, Converse réaffirment ainsi leurs racines. Dans cette optique, le Celebrity Marketing consiste à collaborer avec des stars pour donner une image branchée et une notoriété supplémentaire au produit.
L’Event Marketing consiste à créer l’événement, célébrer son anniversaire, organiser des expositions, des rétrospectives publicitaires ou éventuellement un partenariat éphémère avec une marque kidult. Par exemple en annonçant la sortie du produit avant sa commercialisation et en provoquant ainsi un effet pénurie, l’exemple de la PS2 est célèbre. Ou en créant un partenariat avec une marque kidult pour profiter de sa notoriété et séduire cette cible comme Renault et Playstation. Ou en organisant des événements pour les anniversaires et des ateliers de customisation pour rappeler les origines de la marque comme Nutella.
Le packaging doit rompre avec le format habituel des produits de sa catégorie en utilisant des formes ludiques et inattendues ou en créant des emballages mystérieux.
Des experts reprennent les idées clés : rompre avec les conventions, utiliser un ton impertinent et drôle, surprendre, être créatif, s’appuyer sur des événements spectaculaires. Comment communiquer ?
Do’s |
Dont’s |
• Utiliser la disruption, surprendre, utiliser un ton décalé, mettre en avant des styles de vie |
• Utiliser les mass-médias |
Do’s |
Dont’s |
• Adopter une distribution sélective lors du lancement |
• lieu de vente purement marchand, sans ambiance, sans concept fort |
Les kidults sont un exemple parmi d’autres de consommateurs atypiques
Pour en savoir plus :
Comment les marques s’adressent à l’enfant qui sommeille en nous ?
C.MAILLET /Éditeur : Village Mondial /Octobre 2005 /259 pages